Écriture en miroir 101

L’écriture en miroir (aussi appelée spéculaire), est une écriture dont les lettres peuvent être inversées sur elles-mêmes.

Les lettres qui constituent le mot peuvent être ordonnées de droite à gauche et les mots de la phrase peuvent même être disposés de droite à gauche de sorte que le décodage nécessite de regarder la réflexion des mots dans un miroir.

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Un phénomène universel

L’écriture des chiffres en miroir est un phénomène universel présent dans toutes les cultures et tous les types de graphisme généralement autour de 4-6 ans. Celui-ci s’applique même à l’apprentissage des pictogrammes mandarins/japonais. 

Fait intéressant : J et Z sont les lettres les plus fréquemment inversées dans la langue française avec des fréquences respectives de :  (74,5 % et 58,5 %) d'écriture en miroir entre 5-6 ans .

Pourquoi ça se produit?

Plusieurs théories ont été mises en avant pour expliquer ce phénomène  dont aucune n'a été complètement validée à ce jour. Par exemple :

• Orton (1925) : Irradiation des stimuli visuels d'un hémisphère à l'autre
• Goodnow & Levine (1973) : Grammaire de l'action. Un système de règles motrices régit la copie de formes géométriques par les enfants. Ex. Commencer par le point le plus à gauche. 
• Dela sala et Cubelli (2007) : Apraxie directionnelle : Les enfants possèdent un programme moteur pour la forme des lettres et des chiffres mais pas la direction
• Dehaene (2007) : Théorie du recyclage neuronal (sera présentée un peu plus loin)

L’enfant acquiert très tôt dans son développement la permanence de l’objet (une cuillère est une cuillère même si elle est à l’envers,  tournée sur le côté, placée à droite ou à gauche du couteau, etc.).  Les enfants qui écrivent très jeunes ou qui ont certains troubles de développement, peuvent avoir des lacunes dans la compréhension qu’une lettre n’a qu’une seule orientation et que les lettres d’un mot doivent respecter une séquence précise, de gauche à droite, afin de faire du sens. Les enfants qui écrivent des lettres avant de savoir lire sont de mon expérience plus sujets à ne pas saisir l'importance de l'orientation/ directionnalité dans l'écriture. 

Lequel est un ''R'' ?

Dans d’autres cas, ce type d’écriture peut être une simple manifestation d’un intérêt et surtout, de capacités particulières sur le plan perceptif pour manipuler les perspectives; cela est fréquent chez les personnes autistes.

Une théorie fascinante

Selon cette théorie, la lecture ne devient possible qu’au fur et à mesure que des neurones initialement impliqués dans la reconnaissance des formes sont recyclées pour la discrimination des chiffres et des lettres. Ces neurones impliquées dans la détection des formes fonctionnent de façon symétrique. Cela signifie que lorsqu’une forme/image est perçue dans une certaine orientation, son image en miroir est automatiquement créée et ajoutée au répertoire de la personne. Ancestralement, ceci pouvait avoir une fonction de survie alors que la détection de la forme d’un animal dangereux, initialement perçue du côté droit, pouvait rapidement être repérée si présentée du côté gauche dans une autre instance grâce à ce processus de symétrie.            

 L’écriture en miroir ne serait pas un défaut d’apprentissage...

Le « stade du miroir » ne représenterait donc pas un type de défaut d’apprentissage de la lecture et de l’écriture, mais une fonction normale du système visuel qui doit être surmontée. Le cerveau a besoin de temps pour développer les capacités d’asymétrie nécessaires à la lecture et l’écriture dans la bonne orientation. Il accomplit ceci en contrant de plus en plus efficacement l’attitude naturelle de généralisation par symétrie à laquelle il est habitué depuis la naissance. Bien que plusieurs enfants arrivent à réorienter le fonctionnement de leurs aires de perception visuelle assez promptement, certains enfants ont besoin de plus de temps que d’autres pour y arriver. Selon Dehaene, la persistance d’attitudes de réversion des chiffres et des lettres peut parfois se poursuivre jusqu’à l’âge de 8-10 ans.

Quand s'inquiéter?

Avant 7-8 ans, il faut minimiser notre inquiétude. Néanmoins, à partir de 7-8 ans,  ce comportement écris est plus rare et incite suggère d'être plus spécifique dans notre accompagnement de l'enfant à deux niveaux. 

1. Maitriser le concept de directionnalité des tracés de formations des lettre ''Il y a une meilleure façon de former une lettre''

2. Encoder les séquences de formations des lettres 

3. Maitriser le sens de l'écriture de gauche à droite

4. Développer l' intention de ne pas pas produire une écriture en miroir

5. Acquérir des habitudes de vérification (selon l'âge)

Comment réagir quand l'enfant écrit en miroir?

Ça dépend de l'âge et du contexte.

Pour le tout petit de moins de 5 ans qui n'a pas encore eu accès à une instruction formelle sur la formation des lettres, qui n'a pas encore développé les prérequis perceptif et moteurs pour écrire et qui s'amuse dessiner son nom à partir d'un modèle, on aura avantage à ne pas le corriger. Le plus important est de maintenir son intérêt et qu'il développe une relation positive avec l'idée d'écrire.  Cependant, à moins que l'initiative d'écrire son nom ne vienne de lui; il serait préférable d'attendre qu'il soit plus vieux avant de lui proposer d'apprendre à écrire son nom et plutôt miser sur la reconnaissance des lettres en généra et de son nom.

À partir d'environ 5 ans, on peut demander à l'enfant s'il est satisfait et lui proposer de comparer son nom à un modèle. On peut introduire le concept des ''lettres qui font la toupie'' et partir à leur recherche. Il est plus payant pour l'enfant de rester avec un sentiment de fierté que d'être corrigé mais de rester avec un sentiment d'échec. On peut revoir la formation des lettres du nom avec des activités ludiques multisensorielles.

• Visuel (construire avec du matériel.. ex. pâte à modeler)
• Auditif (associer des sons aux tracés)
• Proprioceptif (ex. crayon vibrant)
• Tactile/kinesthésique (former la lettre avec le doigts sur une surface texturée)
• Odeurs (tracer des lettres dans des médiums qui sentent bons (ex. pudding).

À partir de 6 ans, on corrigera l'enfant parce qu'il aura été exposé à un enseignement explicite de la bonne formation des lettres et des conventions de l'écrit (de gauche à droite). Il aura aussi compris qu'une lettre est un symbole qui représente un son et que l'écriture, contrairement au dessin n'est pas un processus créatif avec de nombreuses possibilités.  Enfin, il aura suffisamment de maturité pour comprendre pourquoi il doit se corriger et risquera moins de voir son intérêt pour apprendre à écrire diminuer.

À partir de 7 ans, on utilisera différents trucs pour responsabiliser l'enfant à éviter sa tendance à inverser les lettres. Par exemple le truc de l'oiseau dans le vidéo au début de cette texte.

 

Un truc pour les confusion des minuscules créé par une logopède Belge (Méthode Jardinet).

Le truc est quand même compliqué, il faut notamment savoir comment redessiner un oiseau mentalement du bon côté (l'oiseau regarde dans le sens de l'écriture). Il n'est pas requis pour les enfants qui débutent leur apprentissage des lettres qui auront à ce moment plutôt accès à un enseignement systématique de la formation des lettres selon la méthode choisie par l'école/enseignant. 

Il est intéressant à utiliser avec les enfants plus vieux (après 7 ans) qui : 

• Savent que les lettres ont une orientation
• Savent le son que chaque lettre fait (conscience phonologique)
• Souhaitent éviter les inversions et ont besoin d'un aide-mémoire auquel se référer

 

Et si il s'agit des chiffres???

Avec les enfants que j'accompagne, j'ai eu beaucoup de succès avec le truc de la boite, une idée originale de Jan Olsen, ergothérapeute USA. En gros, il s'agit d'écrire les chiffres dans une boite dont le coin en haut à gauche est le point de départ pour les chiffres de 1-7. Le 8 et le 0 seront des exceptions au centre mais sont symétriques et ne sont donc jamais inversés. Le 9 aussi veut faire différent et débute dans le coin droit. Pour éviter toute confusion, il débutera par la courbe plutôt que par la ligne verticale. Voir la vidéo en début de publication.

On peut dire…« C'est un oeuf tout neuf»  Le «c'est» rappelle la forme du C et «l'œuf» rappelle aussi que le chiffre débute par une courbe à cause de la forme de l'oeuf. C'est ce qui le distingue du 6 formé à partir de sa verticale.

Effectivement, la formation du 5 n'est pas conventionnelle en début d'apprentissage mais elle diminuera beaucoup les inversions.  Si mon chiffre veut sortir de la boite...il n'est pas du bon côté.

Le truc de la boite, lorsque utilisé au moment de l'apprentissage diminue les risques d'inversions et est aidant pour les enfants qui inversent à développer de bonnes habitudes de formation des chiffres.

Un prérequis important pour diminuer les inversions est la compréhension du concept que les chiffres ont une orientation.

Un deuxième prérequis est la capacité de distinguer les chiffres «à l'endroit» des chiffres «à l'envers» en lecture.

Et un 3 ième serait d'avoir l'intention de ne pas inverser les chiffres.

Pour développer les prérequis, l'enfant  peut jouer avec du matériel (ex. chiffre en mousse) qui peuvent être lancés et qui retombent au sol…ensuite on regarde et on dit si le nom des chiffres qui sont du bon côté.  

Ensuite, pour l'écriture des chiffres,  un moyen ''aide-mémoire" comme le truc de la boite est intéressant. 

Suggestions de progression/généralisation

1. Dans un cadre de porte avec le bras
2. Dans une vraie boite avec le doigt 
3. Dans une boite dessinée
4. Dans une boite imaginée 

 

 A+

Josiane 💕

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Références théoriques

Fischer, J-P. (2022). L’écriture en miroir des enfants : une histoire complète : hal-03829694

Fischer, J-P. (2010). Vers une levée du mystère des écritures en miroir (des lettres majuscules) chez l'enfant : une hypothèse nouvelle

Davidson, J. (2011). Formation ‘Un cerveau pour Imaginer’.

Dehaene, S. (2007). Les neurones de la lecture. Odile Jacob.

Lane, Kenneth (2012). Visual Attention in Children. Slack Inc.