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Proprioception 101 : Mieux comprendre pour mieux intervenir

Lorsqu'il est consulté pour obtenir un avis ou accompagner un enfant en situation de handicap dans son fonctionnement dans des activités qui impliquent des mouvements, l'ergothérapeute procède d'abord à une évaluation des occupations de l'enfant, de son environnement et de son développement affectif, cognitif et surtout physique. En lien avec la dimension physique, la motricité de l'enfant est toujours évaluée, que ce soit de manière sommaire ou détaillée et lorsque celle-ci présente des faiblesses, la qualité du traitement de l'information sensoriel, plus spécifiquement la proprioception (une composante sensorielle qui affecte la qualité des mouvements) est considérée.

 

La Proprioception : Le sens le moins connu qui guide nos mouvements

La proprioception est une composante essentielle de notre perception sensorielle. Elle nous permet de percevoir la position de nos membres et de contrôler les mouvements de notre corps dans l'espace…

Évidemment, la proprioception ne fonctionne pas isolément des autres systèmes sensoriels. En effet, ceux-ci travaillent en étroite collaboration les uns avec les autres pour former une image complète de notre corps et de notre environnement.

Voici comment : 

1. La vision : Le système visuel nous permet de percevoir les formes, les couleurs et les mouvements des objets autour de nous et aussi une grande partie de notre corps. Elle joue un rôle clé dans l'orientation spatiale, et la coordination des mouvements.

2. L'audition : Le système auditif nous permet de percevoir et d'interpréter les sons. Il nous aide à situer les sources sonores, à comprendre le langage mais aussi à créer un rythme dans notre coordination, par exemple lorsqu’on danse, qu'on tape des mains au son d'une musique ou qu'on joue d'un instrument.

3. Le toucher : Le système tactile nous permet de percevoir des sensations telles que le contact, la pression, la chaleur et la douleur. Il est essentiel à notre conscience corporelle et interactions avec l'environnement.

4. Le sens du mouvement : Le système vestibulaire est situé dans l’oreille interne et nous permet de percevoir les changements de position de la tête, ses mouvements et son accélération. Il est le principal responsable de notre l'équilibre.

 5. Le goût et l'odorat : Ces systèmes sensoriels travaillent ensemble pour nous permettre de percevoir et de différencier les goûts et les odeurs. Ils jouent un rôle dans notre alimentation, nos préférences sensorielles, et notre régulation.

 

La proprioception en action : Une boussole interne

Imaginons la proprioception comme une boussole interne qui guide chaque mouvement de notre corps. Cette boussole est composée de différents récepteurs sensoriels répartis dans nos muscles, nos tendons et nos articulations. Ceux-ci envoient en tout temps des informations à notre cerveau sur la position et le mouvement de chaque partie de notre corps.

La proprioception joue un rôle clé dans le développement global des enfants. Elle les aide à développer leur schéma corporel, à comprendre les limites de leur corps et à acquérir leurs premières habiletés motrices comme ramper, marcher, courir et sauter mais pas que… Elle permet aussi de mesurer et de tenir compte de la tension dans les muscles pour ajuster la force.

Au quotidien, un rôle important de la proprioception de permettre la motricité automatique, c’est-à-dire des actions motrices qui ne dépendent plus d’une planification et d’un contrôle à tout moment conscient, ni de la vision. Voici 3 exemples :

Marcher : Notre proprioception nous permet de savoir où se trouvent nos jambes et nos pieds, tandis que la vision nous aide à repérer les obstacles et à ajuster notre trajectoire. De plus, les informations tactiles provenant de nos pieds en contact avec le sol complètent notre perception globale de la marche.

Manger : Notre proprioception nous permet de ressentir les structures de notre bouche, nos lèvres, notre langue ainsi que notre main dans l'espace ce qui nous permet de porter des aliments à notre bouche, de les mastiquer, de les déplacer dans la bouche et de les avaler sans les voir tandis que notre système tactile nous aide à repérer l'aliment dans la bouche.

Écrire : Notre proprioception nous permet de ressentir la position de notre main dans l'espace et de réaliser les gestes d'écriture avec un crayon ou un clavier efficacement sans devoir surveiller constamment nos doigts pour les contrôler tandis que la vision nous aide à rester concentré sur le contenu.

 

Quelles sont les manifestations d'une faiblesse du traitement proprioceptif ?

D'une part, l'enfant avec des faiblesses de perception de la proprioception pourra être susceptible d'éviter les activités qui en dépendent ou les rechercher. D'autre part, on observera des difficultés ou des particularités dans la qualité des postures, des mouvements et des comportements de l'enfant.

Exemples de manifestations concrètes observables dans la vie quotidienne qui peuvent suggérer un déficit de proprioception chez les enfants incluent :

  1. Difficultés de coordination motrice : Maladresse générale, chutes fréquentes, problèmes d'équilibre ou difficultés à exécuter des actions motrices de précision.
  2. Passivité / léthargie : Les enfants qui ne ressentent pas bien leur corps dans l’espace peuvent avoir tendance à moins bouger et être plus sédentaire soit parce qu’il ont moins de compétences motrices ou qu’ils sont insécurisés par leurs manquent de repères dans l’espace.
  3. Besoin de mouvements intenses : Tendance à rechercher des sensations plus intenses pour stimuler leur système proprioceptif. Ils peuvent avoir un besoin accru de sauter, courir, grimper, se laisser tomber, se cacher sous les choses pour obtenir la sensation de pression et de la stimulation proprioceptive pour compenser leur faible perception.
  4. Difficultés de régulation du tonus musculaire : Ceci peut se traduire par une hypotonie (faible tonus musculaire) ou une hypertonie (tension musculaire excessive).
  5. Difficultés dans les activités de manipulation des objets :  Les enfants peuvent avoir du mal à ajuster leur force de préhension, à estimer la pression nécessaire pour manipuler des objets ou à coordonner leurs mouvements fins pour utiliser des outils comme les crayons, ciseaux et les ustensiles.
  6. Problèmes d'organisation spatiale : Difficultés à comprendre l'espace et à s'orienter dans leur environnement. Ils peuvent avoir du mal à estimer les distances, à juger les hauteurs ou à coordonner leurs mouvements en fonction de l'espace disponible. Ils sont sujets à heurter les choses et ont les reconnait facilement avec leurs jambes couvertes d'ecchymoses. 
  7. Besoin de contacts physiques : Tendance à rechercher des contacts physiques plus fréquents et plus intenses pour obtenir la stimulation proprioceptive dont ils ont besoin. Ils peuvent rechercher des câlins forts, des étreintes, des pressions ou des compressions pour se sentir plus en sécurité et mieux régulés.

À savoir : Ces manifestations ne sont pas exclusives à un déficit de proprioception et peuvent également être liées à d'autres difficultés sensorielles ou troubles du développement. 

 

Comment évaluer la qualité de la proprioception ?

L'évaluation de la proprioception par l'ergothérapeute repose sur une combinaison de modalités :

  1. Observations cliniques : L'ergothérapeute observe les comportements et les mouvements de l'enfant au cours de différentes activités pour détecter des indices de difficultés proprioceptives. Cela peut inclure des observations durant les jeux, les déplacements et les manipulations.
  2. Entretien et historique : L'ergothérapeute réalise une entrevue avec l'enfant et son entourage (parents, enseignant) pour recueillir des informations sur les antécédents médicaux, les habitudes sensorielles, les difficultés rencontrées dans les activités quotidiennes et les comportements associés à la proprioception. 
  3. Évaluations standardisées : Il existe des questionnaires et des tests cliniques standardisés conçus spécifiquement pour mesurer les capacités proprioceptives. Ces évaluations comprennent souvent des tâches qui mettent à l'épreuve la perception de la position des articulations et des mouvements. Par exemple, un test de discrimination proprioceptive pourrait demander à l'enfant de fermer ses yeux et de venir toucher le bout de son nez avec son index.
  4. Appréciation du schéma corporel : L'ergothérapeute peut utiliser des activités qui mettent à l'épreuve la connaissance et la perception de différentes parties du corps. Cela peut inclure des tâches de reconnaissance des parties du corps, un dessin de bonhomme ainsi que des activités de reproduction de postures ou des jeux de localisation corporelle.
  5. Tests de coordination motrice : La coordination motrice est étroitement liée à la proprioception. L'ergothérapeute peut utiliser des tests de coordination pour évaluer les compétences motrices de l'enfant, qui peuvent révéler des difficultés proprioceptives.

L'évaluation de la proprioception tient compte des interactions entre les différents systèmes sensoriels et des besoins spécifiques de chaque enfant par exemple son âge, niveau de développement et les habiletés fonctionnelles de l'enfant au moment de l'évaluation.

Une fois l'évaluation complétée, l'ergothérapeute peut formuler des recommandations et concevoir des interventions individualisées pour améliorer la proprioception et favoriser la participation, l'autonomie et l'efficacité dans les activités quotidiennes qui peuvent inclure des activités et des équipements de compensation, par exemple une veste proprioceptive ou une peluche lestée.

 

Les activités proprioceptives : Un entraînement pour le système proprioceptif

Pour aiguiser la proprioception chez les enfants, l'ergothérapeute utilise souvent des activités qui stimulent les structures impliquées dans la proprioception, c'est à dire les muscles, les articulations et les ligaments.

 

Idées concrètes pour stimuler la proprioception

1. Jeu de compression : Se coucher sous des coussins de divan pour ressentir la pression exercée sur son corps, ce qui peut en parallèle avoir un effet apaisant et régulateur.  

 

2. Activités de résistance : Souque à la corde, pompes sur le mur, une chaise ou au sol, poussées, tirs et transport d'objets lourds, ce qui peut en parallèle renforcer les muscles.

 

3. Parcours d'obstacles : Parcours d'obstacles avec des coussins, des tunnels et des cordes incitant à grimper, ramper et sauter, ce qui peut en parallèle améliorer sa coordination motrice et sa conscience corporelle.

 

4. Maintien de position et étirements : Suspensions sur des barreaux, yoga, exercices d'étirements transformés en jeu. 

 

5. Activités multisensorielles : Activités qui impliquent plusieurs systèmes sensoriels simultanément, par exemple attraper un ballon debout sur un surface instable.

6. Activités de modulation sensorielle : Activités qui apprennent et permettent aux enfants à reconnaître leurs propres besoins sensoriels et à s'engager dans des activités de modulation pour réguler leur système sensoriel. Cela peut inclure des techniques de respiration profonde, des automassages et balancements contrôlés par exemple allongé sur le ventre sur un gros ballon.

 En conclusion, la proprioception est un sens invisible dont l'importance est cruciale pour le développement de la coordination motrice et pour le développement global des enfants. En comprenant son rôle et en intégrant des activités/ du matériel qui stimulent le système proprioceptif dans la vie quotidienne de nos enfants, nous soutenons le développement de leur conscience et schéma corporels, leur confiance en soi ainsi que leur indépendance dans leurs occupations. 

 

P.S. C'est la première fois que tu me lis ou m'entends? Je suis une ergothérapeute canadienne avec 20 + d'expérience en pédiatrie et en enseignement de la perspective et des stratégies de l'ergothérapie à l'échelle internationale.

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